Depuis ce dernier week-end
d’août et cet UTMB j’ai repris le travail et les
activités ce qui ne me laisse plus trop de temps pour vous raconter
ma vie de coureur du milieu.
Alors comment commencer un récit
comme celui là. Faut il que ce soit à l’image d’un
épisode de Colombo où l’on connait le meurtrier avant
d’avoir vu l’enquête ou alors comme dans le film
Titanic où le bateau coule à chaque fois !
Oui ! Un naufrage,
c’est bien comme ça que je vais commencer, avec un mot que je
n’ai pas souvent prononcé et qui est toujours difficile à
entendre : Abandon…
Difficile mais sage décision que
j’ai prise au bout d’un quart seulement de la distance
totale de cette machine à rêves qu’est
l’UTMB.
" Non rien de rien, non je
ne regrette rien. "
Six mois à se dire que l’on
est un privilégié. Depuis ce fameux jour de janvier où l’on
découvre son nom sur une liste de trailers du monde entier tirés au
sort (le premier frisson).
Ces mois de préparation mentale
et physique (avec quelques privations dont le fameux effet zéro
alcool).
Puis arrive le grand jour,
l’adrénaline qui monte, c’est le temps des doutes et
des interrogations. Pourquoi tout ça ? Qu’est-ce
qui nous pousse à venir crapahuter ici (souvent dans la difficulté)
pendant plus de quarante heures d’affilées.
Moi je le sais! Mais je ne
peux pas vous le raconter car premièrement ce serait trop long et
la plupart des "non coureur" ne comprendraient pas. Le ressenti est
intérieur, c’est une quête de sensations, de recherche de soi
et de ses capacités. Aimer se faire souffrir pour prendre du
plaisir et le transformer en
bonheur.
Bizarre tout ça, non ?
Retour à la réalité. Vendredi 16h30, je suis dans le sas de départ au
cœur de Chamonix en compagnie de 2300 passionnés (ou fêlés)
de 77 nations. Une foule énorme est massée dans toute la ville. Je
suis calme, je pense ne rien avoir oublié. Je sais pertinemment que
sur cette course je vais trouver mes limites mais mon but est
d’aller le plus loin possible (et pourquoi pas
finir !)
La pluie se met à tomber, il est
17h30, la musique de Vangelis jaillit des haut-parleurs et inonde
la ville. Ça y est on bouge. L’instant est grandiose et
magique, je me demande si Christophe Colomb, quand il a découvert
l’Amérique a eu autant de frissons que moi à ce
moment ?
Les spectateurs sont omnipresents
sur les deux premiers km, ils nous encouragent en sachant
pertinemment que ceux d’entre nous qui reviendront à Cham. un
ou deux jours plus tard seront de véritables "Héros"
" Merci à Christelle et à Gérald
pour ce souvenir de départ "
"Bon allez il faut que je vous
laisse, j'ai de la route moi ! "
Les premiers km sont plats, il ne
faut pas partir trop doucement car les barrières horaires de la
première nuit vont être dures pour moi. Je suis détrempé avec mon
petit tee-shirt et je décide enfin de mettre la veste de pluie
(mais il est trop tard) le tissu mouillé sur le torse me glace les
os.
Les Houches, un coca et je
repars. Je n’ai rien mangé depuis midi ce qui est une grosse
bêtise (Et mec ! C’est
ton premier ultra ou quoi ?). Comme quoi, malgré
l’expérience on arrive encore à faire des erreurs.
Nous entamons ensuite
une côte de 700m de d+ pour atteindre Le Délevert. J’ai
toujours ce chaud/froid dans cette montée et je m’oblige à
boire régulièrement des petites gorgées d’eau. Le ballotement
du liquide et le ventre mouillé et froid commencent à
m’inquiéter. Je perds du temps ! Peu importe je
comblerai mon retard dans la descente.
Que nenni ! La descente est bien
là mais boueuse à souhait et si l’on rajoute
à cela : la pluie, la nuit qui est tombée, le brouillard
qui bloque la visibilité et la buée sur les lunettes due au port de
la capuche, mes chances de reprendre du temps sur la barrière
s'amenuisent.
Dans ce gruppetto le rythme est
lent, tout en retenue sur les cuisses qui commencent à me faire
mal. Je bois et bois encore pour ne pas prendre de crampes, ce
qui est stupide puisque je n’en prends jamais.
Enfin Saint-Gervais ! Je
suis écœuré, je n’arrive pas à manger. Un Tuc ou deux
puis je repars.
Je suis persuadé que ça ira mieux
plus tard. Fausse idée !
Le chemin pour relier les
Contamines n’est pas trop pentu mais je suis dans le même
état en arrivant au ravito. Le cake que je viens
d’avaler a des envies de retour en arrière. Waouh !
Là ça commence à être inquiétant ! Je suis face à une
grimpette de 1300m d+ et sans manger donc sans force, je me demande
comment je vais faire.
Cette ascension devient alors un
vrai calvaire, la nausée me vient, je n’ai rien à vomir à
part de l’eau ! Et d’ailleurs je n’y arrive
pas ! Les pas sont lourds et lents au cœur de cette nuit
calme.
J’arrive tant bien que mal
au ravito de La Balme. Je ne suis pas en avance mais ça peu encore
être jouable. Je me déshabille pour faire sécher mes vêtements
devant le feu, j’essaie de me décontracter afin de voir si
malgré les renvois je décide de poursuivre cette
aventure.
Malheureusement ce micro repos
n’a pas eu d’impact sur mon état de forme. Il est 1h30
du matin la barrière horaire va fermer et je décide de prendre la
regrettable mais sage décision de stopper mon rêve UTMB.
Apres une heure d’attente
en compagnie des derniers abandons je redescends en 4x4 pendant
trois quart d’heure à balloter sur la caillasse. Finalement,
à cinq heures du mat le bus nous dépose enfin à Cham.
"Attente dans le bus, voyez la
joie qui se lit sur mon visage! Ah, pu.....!
"
Je vais déjà beaucoup mieux. Une
douche + un bon repas et me voilà requinqué. Alors pourquoi suis-je
là ? Aurai-je pu aller plus loin ? Les questions me
viennent à l’esprit.
Mais non! Je ne regrette
rien…
Il fait beau en ce samedi matin, les concurrents de la CCC passent
cette arche heureux d’en finir. Puis c’est avec une
bière pression à la main que j’admire l’arrivée de
François d’Haene, premier de cet UTMB en 20h11. Comment est
ce possible ? Nous n’avons vraiment pas tous les mêmes
compétences.
"
L'arrivée du champion "
"
Souvenir avec François sur ses terres du Beaujolais
"
Pour conclure, cette
« réalité qui ne fut pas un rêve » (histoire de faire un
petit clin d’œil au film de Gillou).
Une course comme celle-ci ne
s’improvise pas, je pense que j’ai trouvé mes limites
et par la même occasion cet abandon a indirectement fait plaisir à
ma fille qui s’inquiète pour ma santé à chaque fois que je
suis sur un ultra.
Il est maintenant l’heure
de se trouver un nouveau défi et je vais donc sûrement recentrer ma
saison sur des courses de 24h pour voir si mon record peut
tomber !
Encore un énorme bravo à tous les
Finichers. Je les admire..... surtout les derniers.
Quel
courage !